Qui aurait cru qu’un livre écrit par un ancien ouvrier et sans aucune ponctuation puisse rafler quatre prix littéraires, dont celui du Grand Prix RTL/Lire 2019. À la ligne de Joseph Ponthus est le livre dont tout le monde parle cette saison. Ecrit comme un long poème en prose, ce journal intime est un phénomène littéraire.

À la ligne, la voix d’un poète
Joseph Ponthus, ex éducateur spécialisé, se retrouve en agence d’intérim à Lorient et accepte, faute de trouver mieux, de bosser à l’usine. Il raconte l’enfer de la manutention, du travail à la chaîne, des horaires décalés et de l’absurdité des tâches. Un récit touchant par son propos, évidemment, mais surtout par son point de vue : l’auteur ne décrit par son expérience en tant que journaliste ni sociologue, mais bien en tant que poète. C’est le rythme de production qui dicte à Joseph Ponthus la cadence pour écrire. Il commence alors un long et beau poème en prose, où les vers sont libres et reviennent systématiquement à la ligne.
Un hommage à la littérature
Ecrit avec les tripes, ce récit intrigue par sa forme autant que par son authenticité. Ponthus n’essaye pas d’être parfait, mais vrai, ce qui touche directement le cœur des lecteurs. Alors, comment a-t-il tenu en usine ? Réponse : grâce à la littérature ! C’est en se récitant des chansons de Charles Trenet et des poèmes d’Apollinaire que l’auteur a trouvé la force de continuer et de le restituer dans ce livre. Comme quoi, apprendre des strophes par cœur aide en cas de coup dur. Et lire des bouquins peut sauver la vie. Ce message vaut bien tous les honneurs, même de passer à la Grande Librairie ! Avec À la ligne, Joseph Ponthus nous rappelle qu’écrire des poèmes, même en 2019, reste la meilleure chose à faire pour aller de l’avant, faire partager son expérience et essayer de trouver de la beauté partout où elle peut être, même en usine.
A la ligne, feuillets d’usine, de Joseph Ponthus, Ed de la Table Ronde, 2017, pages, 18€
Extrait du livre :
Sur ma ligne de production je pense souvent à une
Parabole de Claudel je crois a écrite
Sur le chemin de Paris à Chartres un homme fait le
Pèlerinage et croise un travailleur affairé à casser
Des pierres
Que faites-vous
Mon boulot
Casser des cailloux
De la merde
J’ai plus de dos
Un truc de chien
Devrait pas être permis
Autant crever
Des kilomètres plus loin un deuxième occupé au
Même chantier
Même question
Je bosse
J’ai une famille à nourrir
C’est un peu dur
C’est comme ça et c’est déjà bien d’avoir un boulot
C’est le principal
Plus loin
Avant Chartres
Un troisième homme
Visage radieux
Que faites-vous
Je construis une cathédrale